Bible – les récits fondateurs de Serge Bloch et Frédéric Boyer

3 Janvier 2018

Paru en France le 29 septembre 2016, Bible, les récits fondateurs (Ed. Bayard) de Serge Bloch (illustrateur) et Frédéric Boyer (écrivain) est une traversée poétique de 35 épisodes de l’Ancien Testament, du Livre de la Genèse au Livre de Daniel. Les deux auteurs ont travaillé ensemble pendant trois ans à l’élaboration de cet ouvrage de 528 pages, et à celui d’une série animée pour la télévision diffusée sur la chaîne KTO. Le Centquatre-Paris accueillait en outre du 24 septembre 2016 au 19 février 2017 une grande exposition autour de cette œuvre : Il était plusieurs fois…

"Je me souviens de Jérusalem. Je me souviens d’une très vieille histoire que je vais vous raconter", explique en préambule le narrateur du livre. Et c’est par la parole que tout commence : "Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu" lira-t-on plus tard dans l’Évangile selon Saint Jean. C’est cette parole qui donne naissance au monde au cours des six jours de la création. "Bien nommer les choses, c’est ajouter au bonheur du monde".

Dans le jardin, il y a Adam et Eve, l’arbre d’où surgit le serpent et le fruit défendu. C’est encore la voix de Dieu que l’on entend quand ils sont chassés du paradis après avoir cédé à la tentation. Alors "il faut partir ! Le rêve est fini. La femme et l’homme ouvrent la porte de l’histoire humaine." Ensuite, il y aura la jalousie, Caïn tuant Abel : "La voix reprend : Qu’est-ce que tu as fait ?". Plus tard, c’est à Abraham que Dieu s’adresse : "La voix lui dit : Pars. En avant. Quitte tes origines, abandonne ta famille, et tout ce que tu as. Pars mais ne crains rien, tu auras une terre, tu auras des enfants. Pars et tu auras un grand nom."

Dieu n’est pas représenté dans le récit, mais sa voix guide les hommes qui veulent tendre l’oreille. Comme Abraham, "toujours là quand la voix l’appelle." Comme Jacob désormais appelé Israël. Comme son fils Joseph, pardonnant à ses frères qui s’installent en Égypte. Comme Moïse qui entend l’appel de Dieu sur la montagne : "C’est moi YHWH. Je suis et je serai. Le nom qui sauve et qui libère."

Un trait vif à l’encre noire sur fond blanc, les petits dessins expressifs de Serge Bloch alternent la plupart du temps avec les phrases courtes de Frédéric Boyer, donnant beaucoup de rythme à l’ensemble. Certains dessins occupent une pleine page, lorsque la violence se déchaîne ou que s’exprime la colère de Dieu. C’est ainsi qu’au moment du déluge n’épargnant que Noé et son arche, les vagues déferlent sur une double page : "L’eau efface tout ce qui avait été fait, Tout ce qui était vivant sur la terre."

Cette approche de la Bible résolument graphique renouvelle le regard porté sur ces récits millénaires. Frédéric Boyer est spécialiste des textes bibliques. Il a déjà coordonné La Bible, nouvelle traduction (Ed. Bayard, 2001), aussi appelée "la Bible des écrivains", un travail littéraire rigoureux associant des exégètes et des auteurs parmi lesquels François Bon, Emmanuel Carrère, Jean Echenoz ou Marie Ndiaye. Avec Serge Bloch, il propose cette fois une œuvre contemporaine tout public qui, sans être réductrice, facilite l’accès aux textes fondateurs, à la source des trois grandes religions monothéistes.

Ce qui interpelle à la lecture de ces histoires restées – foi ou non – dans notre mémoire collective, c’est leur caractère universel et l’actualité (soulignée par le dessin) de certains thèmes développés. Comment vivre ensemble ? Quels chemins emprunter ? Les guerres, les déportations, les haines fratricides, Babel et le refus de la diversité, l’Exode du peuple juif opprimé par les Égyptiens, sa longue marche dans le désert à la suite de Moïse, les épreuves imposées par l’exil, la solitude des hommes, leur espérance dans une vie meilleure… entrent en résonance avec notre temps.

De siècle en siècle, ces récits inlassablement étudiés, traduits, partagés, dessinés, ont traversé les âges pour arriver jusqu’à nous sans épuiser leur sens. Bible, les récits fondateurs (Ed. Bayard), en offre encore la démonstration.

"La pire des solitudes, c’était de ne pas comprendre et de rester dans le noir."