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Dans le cadre de La Rue est à Amiens, 35e fête dans la ville organisée par Le Hangar (Fabrique des Arts de la Rue d'Amiens), et la ZEPA (Zone Européenne de Projets Artistiques), la rue Hélène-Lockert du quartier Elbeuf était à l'honneur ce jeudi 21 juin 2012.

Le poète des rues, Jean-Georges Tartare, voyageur infatigable et auteur notamment du Grand Fictionnaire du Théâtre de la Rue et des Boniments Contemporains (Ed. L’Entretemps. 2011), et son complice Éric Burbail ont investi cette rue pendant plusieurs semaines pour y conduire avec les habitants, un travail de partage sur les mots. Ce sont en particulier les pensionnaires de la Maison relais de l'APRÉMIS (Association dédiée à l'accompagnement, à la prévention, à la réflexion et à la médiation pour l'insertion sociale) qui ont participé à ce projet.

 

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Il faut savoir que la cité Hélène-Lockert compte 28 petites maisons individuelles qui appartiennent à la Ville d'Amiens depuis leur acquisition en 1965 auprès des Usines Paul-Matifas. Ces logements insalubres ont été réhabilités en 2000-2001, et leurs locataires en grande difficulté sociale, accompagnés dans leur vie quotidienne et leur réinsertion. La Maison relais Hélène-Lockert a été officiellement reconnue le 01 janvier 2003.

 

D'une pension de famille

 

L'écrivain Thierry Maricourt s'est intéressé à cette structure dans son ouvrage D'une pension de famille, d'aujourd'hui (Ed. Licorne. 2011). Côtoyant les résidents et leurs accompagnateurs, il s'est immergé dans la vie de la pension pour rendre compte dans son livre des blessures, des espoirs, des réussites et des échecs qui émaillent leur quotidien.

 

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La soirée de jeudi marquait donc l'aboutissement de la résidence des artistes Tartare et Burbail, auprès des pensionnaires, qui ont constitué à cette occasion une "Académie de la rue Lockert". Comme de bon aloi, ils ont oeuvré à la composition d'un dictionnaire distribué ce soir-là. Un fictionnaire aux définitions revisitées en fonction de leur propre regard et de leurs expériences. La vie est ainsi devenue "une épreuve que le médicament prolonge" et le mariage, "l'erreur qui se transforme en horreur".

 

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Pour symboliser ce travail en commun sur le langage, la rue entière était décorée par des mots. Des mots accrochés aux façades des maisons, semés dans les parterres de fleurs ou sur les trottoirs. Des mots qui sonnent bien, des mots drôles, incongrus, libérés par tous ces locataires comme autant de paroles retrouvées.
 

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D'autres artistes ont croisé le chemin du public et des habitants du quartier Elbeuf ce soir-là. L'Islandais Kristjan Ingimarsson et la française Caroline Amoros, ont livré une performance joyeuse avec leur "Révolution des pissenlits" suivie par un large cortège de porte-drapeaux dont faisait partie le Maire d'Amiens, Gilles Demailly.

Jean-Georges Tartare a proposé à celui-ci une inauguration officielle de la rue transformée, découpe de ruban à la clé. Gilles Demailly s'est volontiers prêté au jeu en lisant le discours rédigé en son nom par le poète à la longue barbe blanche.

 

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"Une ville en fête ne saurait se satisfaire d'artifices. Non, c'est la rigueur poétique qu'Amiens appelle.
L'intransigeance de l'art.
Celle de tous les artistes alchimistes du bouillonnement, de la pertinence et de l'impertinence.
Afin qu'Amiens, ivre au banquet de l'intelligence, rayonne de santé."

 

La visite s'est poursuivie, accompagnée en musique par le groupe amiénois Triod'vie, jusqu'au siège exceptionnel de l'Académie dont les membres ont entonné leur hymne : Que j'aime le français, chanson de Gari Grèu ("que j'aime le français quand il fait voyager, quand il n'est pas officiel, et qu'on le brutalise, que j'aime le français quand il fait voyager, quand il est malmené, que j'aime le français"). Trois enfants ont ensuite lu à l'assemblée un joli texte de leur composition sur le thème du feu. Puis le public s'est vu offrir une fleur et un apéritif convivial animé par Délicieuse Alexandra.
 

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Cette soirée de fête dans la Ville a permis de mettre à l'honneur le travail sur le langage mené avec les habitants du quartier, travail qui a fait éclore des définitions à la fois intelligentes et facétieuses. Elle leur a offert également d'être les acteurs (et les "héros") d'un moment de partage et de convivialité. Ça sert à ça la langue ! Au-delà des différences, les mots ont bel et bien la vertu de tisser du lien social. Incontestablement.

 

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Tag(s) : #Coups de coeur et curiosités

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