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© Natalia Apekisheva

 

Du 14 au 16 février 2012, Robert Benoit adapte et interprète seul en scène Lettre à ma mère de Georges Simenon, à la Comédie de Picardie. Nous sommes en 1974, l'auteur prolifique des célèbres Maigret, membre de l'Académie royale de Belgique, a renoncé à l'écriture depuis deux ans. Il a décidé de dire ses souvenirs à un magnétophone. Lettre à ma mère est l'un des témoignages tirés de ces dictées. Georges Simenon lui-même avait autorisé Robert Benoit à adapter Lettre à mon Juge, accueilli à la Comédie de Picardie en 2007. Son fils John Simenon, l’a autorisé à adapter Lettre à ma mère.

 

Lettre à ma mère

Lorsque Georges Simenon s'exprime sur elle, sa mère née Henriette Brüll, est décédée presque quatre ans plus tôt. Il avait alors fait route depuis la Suisse pour se rendre à son chevet dans un hôpital de Liège. Durant les huit jours de son agonie, Georges Simenon a regardé intensément cette femme restée lucide mais qui parlait peu, tentant vainement d'en percer les mystères.

 

"Jeudi 18 avril 1974
Ma chère maman,

Voilà trois ans et demi environ que tu es morte à l'âge de quatre-vingt-onze ans et c'est seulement maintenant que, peut-être, je commence à te connaître. J'ai vécu mon enfance et mon adolescence dans la même maison que toi, avec toi, et quand je t'ai quittée pour gagner Paris, vers l'âge de dix-neuf ans, tu restais encore pour moi une étrangère. D'ailleurs, je ne t'ai jamais appelée maman mais je t'appelais mère, comme je n'appelais pas mon père papa. Pourquoi ? D'où est venu cet usage ? Je l'ignore."

 

Henriette Brüll

© Fonds Simenon

 

Dans un long monologue partagé entre souvenir, émotion et réflexion, Georges Simenon tente de comprendre. En reconstituant des bribes de son passé, il s'interroge sur cette mère qu'il a si mal connue. "Nous ne nous sommes jamais aimés de ton vivant, tu le sais bien. Tous les deux, nous avons fait semblant. Aujourd'hui, je crois que chacun se faisait de l'autre une image inexacte." Le comportement de la mère n'inspire pas de rancune à Simenon, il le répète souvent. Il ne se pose pas en juge mais déplore le malentendu qui a présidé à leur relation.

Peu à peu, au fil des anecdotes et des images qui reviennent au fils, un portrait de la mère se dessine. Plus complexe et plus humain que les apparences pouvaient le laisser croire. Henriette n'est-elle pas restée la petite fille de cinq ans qui, ayant subi la ruine de son père et les humiliations, aura toute sa vie peur de manquer ?

En proie aux névroses familiales, elle ne s'est pas réfugiée, comme d'autres, dans l'alcool. Elle a tracé son sillon, imperturbable. Veuve de Désiré Simenon auquel elle reprochait une situation trop précaire, elle épouse en secondes noces le père André, veuf retraité des chemins de fer belges. Malgré la haine farouche qui va animer les deux époux, Henriette a obtenu ce qu'elle souhaitait : une pension pour ses vieux jours...
 

Famille Simenon

© Fonds Simenon


Cette mère, que Simenon voit bonne pour les pauvres et les fragiles, bonne pour elle-même, demeure étrangère aux siens, finalement. Georges est resté aussi en partie, cet enfant affolé à l'idée qu'un fiacre puisse lui enlever sa mère, comme il avait emporté sa tante vers un asile d'aliénés. Il est resté cet enfant blessé de sentir qu'elle lui préférait son cadet, Christian, qui devait mourir en Indochine. On n'efface pas facilement les cicatrices de l'enfance.

 

"Je me faufilai vers ton lit pour t'embrasser quand tu m'as dit très simplement, comme si c'était la chose la plus naturelle du monde : - Pourquoi es-tu venu, Georges ?
Ce bout de phrase, plus tard, quand j'y ai réfléchi, car il m'est resté sur le cœur, m'a peut-être expliqué un peu de toi-même."

 

Un peu seulement. Car le besoin impérieux qu'a Georges de tout comprendre, son besoin de reconstituer le fil de l'histoire de sa mère et de sa propre histoire, de renouer les liens défaits, se heurte toujours à un mur. La mort a fait son œuvre, Georges scande des questions qui demeurent sans réponse.

Robert Benoit sait ménager une place à ce silence de mort. Sa mise en scène dépouillée met en valeur la force du texte et la cruauté de la situation. Des souvenirs épars de Simenon se dégage pourtant une réelle unité, due sans doute à la détermination du fils souhaitant comprendre sa "chère maman" et l'expliquer aux autres.te semaine que nous venions de passer ensemble, pour ainsi dire sans nous parler, me manquait. Il me semblait qu'elle ne s'était pas achevée, que le contact n'avait pas été complet.  Or, je ne voulais pas te laisser partir sans t'avoir connue, sans t'avoir comprise."

Jusqu'au 16 février 2012 à la Comédie de Picardie

Mercredi 15 février :  rencontre avec l'équipe artistique à l'issue de la représentation
Jeudi 16 février à 19h : conférence de Mr Alavoine, spécialiste de l'œuvre de Georges Simenon, dans le bar de la Comédie de Picardie (entrée libre).

62 rue des Jacobins - 80000 AMIENS
Rés : 03 22 22 20 20 - Admin : 03 22 22 20 28
Billeterie Lun au ven : 13h - 19h - Sam : 13h - 18h
www.comdepic.com

EN TOURNÉE

Théâtre du Lucernaire à Paris Du 29 février au 5 mai 2012
Festival Simenon aux Sables d’Olonne Juin 2012
Festival Polar à Cognac Octobre 2012
Théâtre Denis à Hyères Novembre 2012

Tag(s) : #Coups de coeur et curiosités

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