Régis Hautière et Renaud Dillies : Abélard, une BD savoureuseRégis Hautière et Renaud Dillies : Abélard, une BD savoureuse

Jeudi 22 mars 2012, la bande dessinée Abélard (Éditions Dargaud) était à l'honneur à la Librairie du Labyrinthe d'Amiens. Le scénariste Régis Hautière et le dessinateur Renaud Dillies y étaient en dédicace. Les amateurs sont venus nombreux pour faire signer le diptyque, et pour cause.

Régis Hautière et Renaud Dillies : Abélard, une BD savoureuseRégis Hautière et Renaud Dillies : Abélard, une BD savoureuse

Le début d'Abélard a un petit air du film de Jean Becker, Les enfants du marais (1999). Le héros éponyme de cette bande-dessinée est un poussin attachant qui coule une vie tranquille auprès de ses amis

De parties de cartes en parties de pêche, il n'a jamais rien connu d'autre que le marais, ses amitiés simples et viriles, et son chapeau à proverbes (magnifique trouvaille). Chaque jour, le poussin en tire une nouvelle maxime griffonnée sur un morceau de papier. Des petites pépites ("Avant d'admettre l'absurde, on épuise toutes les solutions", "Écris tes blessures dans le sable, grave tes joies dans la pierre") qui influent sur son comportement et le cours de l'histoire.

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Lorsque la jolie Épilie vient passer ses vacances dans les environs où les femmes sont rares, Abélard sent son coeur palpiter. Mais comment plaire à la belle qui semble inaccessible ? "Pour séduire une fille comme Épilie, il faut lui offrir la lune. Ou à la rigueur, un bouquet d'étoiles" dit-on au jeune poussin. 

Notre Abélard qui a tendance (comme les enfants et les coeurs purs), à prendre au pied de la lettre tout ce qu'on lui raconte, se met à y penser. Lorsque le journal évoque "une machine qui permet de voler comme un oiseau" inventée en Amérique, sa décision est prise. La lune peut lui permettre de conquérir Épilie ? Qu'à cela ne tienne, il ira  jusqu'en Amérique pour la lui décrocher.

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La BD tient du parcours initiatique, un "chemin tortueux emprunté par le destin" avec son lot de rencontres plus ou moins heureuses : le Rom Lazlo, Madame Zaza la voyante, des voyous racistes, un escroc... et bien sûr Gaston, le gros ours bourru qui part aussi vers l'Amérique... C'est sa relation avec Abélard qui sert de fil rouge au diptyque.

Gaston est le parfait opposé du poussin. Physiquement d'une part, mais surtout dans l'esprit. L'un aime la lune, l'autre le soleil. L'un jette sur la vie un regard désabusé ("on est tous coupables de quelque chose ! Hommes, femmes, tous !"), l'autre se laisse porter, candide et confiant ("On est bien, ici, hein !?"). Le tome 1, La danse des petits papiers, se termine alors que nos deux improbables compagnons sont en partance côte à côte.

Régis Hautière et Renaud Dillies : Abélard, une BD savoureuseRégis Hautière et Renaud Dillies : Abélard, une BD savoureuse

Dans le tome 2, "Une brève histoire de poussière et de cendre", Abélard se heurte au monde et à ses dures réalités : la violence, la misère, la maladie... Son marais est bien loin, les proverbes de son chapeau semblent durcir le ton ("L'homme est un apprenti ; la douleur est son maître"). Notre poussin n'est pas armé pour affronter autant de déceptions. Gaston sait lui, depuis longtemps, comment peut être la vie. Chacun va donc apprendre au contact de l'autre et déteindre sur lui, à certains moments. L'amitié peut parfois emprunter des chemins insolites.                                                                  

Tous les personnages dessinés par Renaud Dillies sont des animaux (que l'on n'a pas de mal à transposer dans notre Humanité). Son dessin colle parfaitement à l'histoire. Par petites touches, la poésie surgit : des notes de musique en ruban, un papillon, un croissant de lune, deux coeurs sur les yeux d'Abélard...

Le découpage n'est jamais monotone. La noirceur de son trait appuyé s'accorde avec le propos. Le poussin est particulièrement expressif et émouvant. Les épreuves successives s'inscrivent sur son visage. Christophe Bouchard a assuré la mise en couleurs. Quelques cases sont lumineuses et très colorées (cf. Abélard découvrant la mer), mais on est la plupart du temps, dans des teintes plutôt sombres (cf. la traversée en bateau).

 

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Abélard, c'est comme la vie. L'histoire a un début et une fin. Entre les deux... des éclairs de poésie ou d'émotion, des espoirs fous, des enthousiasmes qui nous transportent. L'imagination emmène vers des ailleurs qui, forcément, seront plus beaux qu'ici. Souvent, les illusions laissent place à de grandes déconvenues auxquelles, pourtant, il faut bien résister.

Avancer dans un monde cruel, et rester fort sans perdre de vue que l'on avait des rêves, c'est toute la difficulté. Sans aucune prétention, loin de l'arsenal habituel des donneurs de leçons, Abélard a la portée d'un conte philosophique destiné aux adultes. A lire absolument.

  "Chaque illusion perdue est une vérité trouvée"

 

Les tomes 1 et 2 sont disponibles dans un coffret édité à 900 exemplaires. Une exposition sera en outre consacrée à Abélard lors des 17es Rendez-vous de la Bande-dessinée d'Amiens les 2 et 3 juin 2012.

                     Coffret

Tag(s) : #Coups de coeur et curiosités

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